.: Les dernières brèves : > This ancient blog is currently being reactivated within a new technical and legal frame under www.topicsandroses.org... (Le lundi 25 août) Glad to welcome you here, please indulge many modifications in the next period until the autumn 2009. Welcome, read, share... and enjoy ! - > Main dans la main contre le mariage forcé, campagne européenne. A Saint-Denis en région parisienne le 7 juin (Le samedi 7 juin)

Dans le cadre de la Campagne Européenne « Main dans la Main contre les mariages forcés » Le Centre Culturel TAWHID en partenariat avec SPIOR organise une conférence/débat soutenue par la municipalité de Saint-Denis.

Samedi 7 juin à 14h00 à la Bourse du Travail de Saint-Denis 11, rue Genin 93200 Saint-Denis Métro Porte de Paris (ligne 13) Entrée libre

Intervenants :

- Marianne VORTHOREN, représentante de la ville de ROTTERDAM, membre de SPIOR.

- Hamida BEN SADIA, militante associative.

- Fabienne SOULAS, maire adjointe de Saint- Denis déléguée aux droits des femmes.

- Yacob MAHI, docteur en sociologie.

- > Femmes Palestiniennes entre souffrances et résistances (Charleroi, Belgique) (Le dimanche 6 avril)

Dans le prolongement de la Journée internationale de la femme,

les associations « Marianne » et « Femmes Musulmanes de

Belgique » mettent à l’honneur la femme palestinienne.

Femmes Palestiniennes

entre souffrances et résistances

Dimanche 6 avril 2008 à 15 h

Accueil dès 14 h.

Salle « La braise », rue Zénobe Gramme, 21 à 6000 Charleroi

INFOS : 0473/286 375 - 0486/721426 fmbcharleroi@yahoo.com

Stand de livres - Salon de thé

Intervenantes :

Marianne Blume, enseignante à Gaza durant 10 ans. Auteur du livre « Gaza dans mes yeux. »

Dominique Waroquiez, membre de l’Association belgo-palestinienne à Bruxelles.

Renée Mousset, Présidente de l’Association belgo-palestinienne de Liège

Exposition des photographies de Véronique Vercheval évoquant la vie quotidienne en PALESTINE.

- > 14 mars : “RACISME, IDEOLOGIE POST - COLONIALE ... ET LES FEMMES DANS TOUT CELA ?” (Bruxelles) (Le dimanche 9 mars)

DANS LE CADRE DE LA SEMAINE D ACTIONS CONTRE LE RACISME COORDONNE PAR LE MRAX

Il y a une nécessité, aujourd’hui, de mener une réflexion concernant la question de « l’idéologie post - coloniale » dans notre société. En effet, c’est à travers un « imaginaire colonial » et des stéréotypes faussés que sont appréhendés les « immigrés post coloniaux », que l’on continue de considérer comme des « sous citoyens », et qui subissent chaque jour une exclusion économique, sociale et politique. Par ailleurs et dans une perspective féminine, il s’agira de mettre en évidence l’instrumentalisation de la question du genre et plus particulièrement de la "femme arabe, musulmane, immigrée", à des fins soi disant féministes, tout en questionnant l’attitude d’un certain « féminisme hégémonique » qui place la femme "blanche", "occidentale" dans un rapport de domination avec les femmes « racisées » [22], et qui dessert la cause de celles qu’il prétend libérer, comme le soulignent les tenantes d’un féminisme postcolonial.

En tant qu’association féminine, cette forme de « racisme » nous interpelle puisqu’elle rend compte d’un mécanisme de domination : l’enfermement des dominés dans leurs "différences" et qui produit de multiples formes de discriminations dans la société belge. C’est dans cette perspective que L’association Femmes Musulmanes de Belgique [23] , en partenariat avec l’association Loqman organisent une rencontre :

“RACISME, IDEOLOGIE POST - COLONIALE ... ET LES FEMMES DANS TOUT CELA ?” Le vendredi 14 mars 2008 à 19h30

Aux Facultés Universitaires St Louis Auditoire 1 Boulevard du Botanique 43,1000 Bruxelles

Avec :

- Nadine PLATEAU (Membre de SOPHIA et militante féministe)

- Houria BOUTELDJA (Porte parole du Mouvement des Indigènes de la République)

- Tariq RAMADAN (Professeur d’islamologie à Oxford, professeur invité à Rotterdam et Senior Research Fellow au Japon et à la Lokahi Foundation à Londres)

- Radouane BOUHLAL (Président du MRAX) Le débat sera modéré par Sophie LEONARD (Commission Islam et Laïcité)

- > Resisting Women vous Propose JEUDI 31 JANVIER 08 une Rencontre autour du Livre "Le Coran et les femmes : Une lecture de libération" d’Asma Lamrabet (Le jeudi 31 janvier)

La problématique de la "femme musulmane" est depuis longtemps prise en otage entre deux perceptions extrêmes… Celle d’une approche islamique conservatrice très rigide et celle d’une approche occidentale, ethnocentrique et islamophobe. En réponse à cela, se dessine parmi une partie des croyantes musulmanes un nouveau mouvement qui entreprend une relecture du Coran à partir d’une perspective féminine et qui se donne pour objectif de retrouver une véritable dynamique de libération de l’intérieur même de la sphère islamique, dans la perspective d’une "revalorisation" du statut de la femme musulmane.

Dans le cadre du Réseau Resisting Women – Femmes En Résistance et du site www.resistingwomen.net

Vous êtes invité-e-s à une rencontre autour du livre

Le Coran et les femmes : Une lecture de libération

Jeudi 31 JANVIER 2008 de 20H00 à 22H30 Au CEDETIM - 21ter rue

Voltaire - 75011 PARIS (France)

Entrée Libre

Pour tout renseignement, veuillez nous contacter au 06.62.73.78.79

Avec la participation de :

- Asma Lamrabet : Médecin et intellectuelle engagée sur la question de la femme en Islam. Ouvrage le plus récent : Le Coran et les femmes : Une lecture de libération (2007)

- Nadia Oulehri : Avocate au Barreau de Rabat et Présidente de l’association « Action Femmes Juristes ».

-             .: Articles récemment publiés : > MEXICO : MUJERES EN RESISTENCIA, DECLARACIÓN DE OAXACA () - > Why "Topics&Roses" ? (2007) - > La longue marche des femmes en Iran (1er février 2007) -

Pour une alternative laïque contre l’étatisme « civilisateur »

La laïcité n’est pas anti-religieuse...

samedi 15 décembre 2007 par Catherine Samary

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La loi adoptée par le parlement français en mars 2004 interdisant les signes religieux ’ostensibles’ à l’école a produit d’étonnantes convergences, par-delà les clivages très tendus traversant toutes les familles politiques. Le clivage existant en France en effet entre un courant voulant utiliser le pouvoir d’Etat pour éradiquer la religion et un courant visant à permettre la confrontation pluraliste des croyances et idées s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui. Or, pour quiconque se réclame d’un projet émancipateur, seule la deuxième approche permet de mettre l’accent sur le politique et le social et l’auto-organisation. Mais cela impose une conception de la laïcité associée à la démocratie participative. Il s’agit là d’un choix et d’un combat dont la laïcité n’est qu’un cadre. Il n’est pas question de taire ce qui divise, ou simplement différencie. Mais de le découvrir en marchant et pas par des barrières d’ignorances réciproques. La laïcité peut devenir alors attirante pour la majorité des croyants bien que l’ordre laïc fut et reste souvent présenté comme « anti-religieux ». Et les théologies de la libération en conflit avec les autorités ecclésiastiques ont besoin elles-mêmes d’un ordre laïc... Un article à la fois de positionnement et de synthèse sur les polémiques en France autour de la laïcité et de l’islam dans les milieux citoyens et militants.

La loi adoptée par le parlement français en mars 2004 interdisant les signes religieux ’ostensibles’ à l’école a produit d’étonnantes convergences (avec des fronts en faveur de la nouvelle loi et de l’expulsion des filles voilées allant de Lutte ouvrière aux diverses droites en passant par le Parti socialiste). Les clivages très tendus traversant toutes les familles politiques (notamment la LCR [1]), indiquent la superposition confuse de plusieurs enjeux [2]. Dans les limites de cet article, je veux me centrer sur l’affirmation d’une conception de la laïcité qui permette de rallier croyants et non croyants aux luttes contre les théocraties et contre l’étatisme « civilisateur ».

La laïcité, un ordre institutionnel, pas une philosophie anti-religieuse...

« La Loi de 1905 [3] (...) ne marque pas le triomphe de la République laïque sur l’Eglise catholique », rappelle la ligue de l’Enseignement dans son bilan de cent ans de laïcité [4]. « Elle traduit une volonté de pacification dans un contexte d’affrontements (...). Sa seule finalité est de régler les conditions de l’exercice des cultes au sein de la République ». L’ordre laïc, souligne de même Robert Bistolfi [5], est en France le « fruit d’un compromis pratique (...) de nature juridique et institutionnelle » qu’il ne faut pas confondre avec une « philosophie » anti-cléricale ou critique des religions qui a, évidemment, sa place dans l’espace démocratique. Les principes qui régissent la Loi de 1905, dit-il, « sont à la fois de distance mais aussi de protection des religions en tant qu’expressions de la liberté de pensée et de croyance ». Telle est l’orientation qui l’emporta en 1905 activement soutenue par Jean Jaurès contre celle prônée par le gouvernement d’Emile Combes qui visait un démantèlement de l’Eglise catholique par l’Etat.

Ce clivage entre un courant voulant utiliser le pouvoir d’Etat pour éradiquer la religion et un courant visant à permettre la confrontation pluraliste des croyances et idées s’est prolongé jusqu’à aujourd’hui.

Pour quiconque se réclame d’un projet émancipateur, seule la deuxième approche permet de mettre l’accent sur le politique et le social, l’auto-organisation : c’est là que les confrontations, clivages ou rapprochements idéologiques doivent être testés et enracinés dans les expériences communes de lutte pour des droits, les institutions publiques devant protéger de telles démarches – et non pas les faire interdire par un appareil d’Etat... Et c’est aussi là que la lutte contre les courants religieux intégristes et réactionnaires (de tous bords) peuvent se mener, avec d’autant plus d’efficacité qu’elle intègre des croyants. Mais cela impose une conception de la laïcité associée à la démocratie participative. Il s’agit là d’un choix et d’un combat dont la laïcité n’est qu’un cadre.

Celui-ci peut devenir attirant pour la grande masse des croyants alors que l’ordre laïc fut et reste souvent présenté comme « anti-religieux ». La perception de la laïcité a été d’autant plus confuse notamment dans le monde musulman que les pouvoirs d’Etat qui s’en sont réclamés ont imposé des alignements sur les modes vestimentaires occidentaux et ont été des dictatures [6]. Mais la séparation des sphères entre Etat et religion, peut être attractive pour les croyants, non seulement de confessions minoritaires, mais aussi pour ceux et celles qui sont critiques de la corruption, du clientélisme, de l’enrichissement et de l’autoritarisme associés à la fusion des pouvoirs. Les théologies de la libération en conflit avec les autorités ecclésiastiques ont besoin d’un ordre laïc.

Celui-ci doit évidemment assurer de façon générale la « libre pensée », c’est-à-dire aussi la liberté de quitter une religion et de critiquer la religion, protégée dans l’espace démocratique. Il est donc un enjeu majeur pour les athées contre les théocraties. Mais il ne faut pas opposer à celles-ci, par glissement symétrique, l’objectif d’un Etat « athée ». La libre pensée ne doit pas être transformée en « pensée officielle » - en « religion d’Etat athée », pas plus qu’en « marxisme d’Etat », forcément sclérosé comme l’histoire du stalinisme l’a abondamment prouvé.

Sphère(s) publiques et privées...

Encore faut-il aussi remettre en cause les distinctions simplistes supposées « laïques » entre sphères publiques et privées. La Loi de 1905 définit, comme le précise la Ligue des droits de l’Homme (LdH), trois espaces (et non pas deux), dont les frontières ne sont pas forcément étanches et stables [7] : l’espace privé (intime) de l’individu et de la famille, l’espace public social (lié à la société civile), et l’espace public civique (de l’Etat).

Avec la Loi de 1905, il n’y a plus de religion d’Etat. La violence des affrontements à l’Eglise catholique explique une rigueur particulière quant au symbolisme : les bâtiments et fonctionnaires, dans l’espace public civique, ne doivent plus afficher de signes religieux. Mais cela laisse ouvertes bien des questions. Les religions, comme les autres faits sociaux, se déploient et s’expriment à la fois dans l’espace privé et dans l’espace public social (associations, manifestations, ports de signes religieux...). Ce qui est de l’ordre de l’intime (choix privés religieux, mais aussi sexuels, ou culturels) peut devoir être affiché de façon collective (plus ou moins durable) dans l’espace social pour combattre des inégalités, une discrimination. Et cela peut se traduire par l’exigence de représentation (ou de modalités légales de contrôle, évolutives, différenciées) de la communauté discriminée dans l’espace civique...

L’hostilité anti-cléricale radicale de certains altermondialistes en France s’est traduite par des interprétations à ce point répressives de la laïcité qu’ils proposèrent de supprimer l’article 10-70 du projet de Traité constitutionnel européen (TCE) permettant l’expression des convictions religieuses, individuelles ou/et collectives dans l’espace privé et public... Ce faisant ils voulaient supprimer une liberté reconnue par l’article 9 de la Convention des Droits de l’Homme que le projet de TCE ne faisait que reproduire et provenant d’ailleurs... de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme !

La visibilité du voile islamique, justement hors de l’espace privé, en a fait la cible réelle de la loi de 2004 contre les signes religieux « ostensibles » (les jeunes garçons Sikhs ayant été des « victimes collatérales » de ces interdits). La « neutralité religieuse » de l’Etat est devenue celle exigée... des élèves. Pourtant, le Conseil d’Etat avait confirmé la compatibilité du port du foulard avec la Loi de 1905 lorsqu’il fut interrogé à ce sujet après les premiers cas de conflits dans les collèges, en 1989. La seule obligation était celle de suivre tous les cours.

La nouvelle loi a « libéré » des interprétations extensives de la laïcité, au-delà même des interdits explicites. On a assisté au rejet de mamans portant le foulard, stigmatisées devant leurs enfants, interdites de pénétrer dans les enceintes scolaires ou de s’intégrer aux sorties collectives. Le refus de femmes musulmanes d’être soignées par un médecin homme a été présenté comme une atteinte à la « laïcité » - alors que le libre choix de son médecin est un droit (sauf en cas de menaces vitales) que pratiquent massivement les femmes envers leurs gynécologues. La demande d’une adaptation de la nourriture des cantines aux interdits, de carrés musulmans dans les cimetières ou de mosquées sont devenus autant de démonstrations de « communautarisme » et de « menaces »... Au point qu’un projet d’amendement a été récemment déposé par des députés de droite visant à interdire le port du voile sur tout le territoire « public » de la France...

Certes, ces dérives n’ont pas été légalisées et des résistances (notamment d’associations de parents d’élèves, ou des autorités de surveillance contre les discriminations) leur ont été opposées. Mais la loi a conforté les rejets :« soyez voilées, mais « en privé », c’est-à-dire « chez vous »... « Chez vous », dans votre maison... et dans « votre pays » - pas en France ! L’implicite devenait explicite : on ne pouvait être Française et musulmane voilée ?

Quels dangers ?

En-deçà du voile et même du racisme, quatre ensembles de « données » se sont conjugués de façon explosive : le basculement international vers un « nouvel ordre mondial » notamment marqué par les enjeux du Proche-Orient et l’instrumentalisation par Israël et les courants sionistes du « nouvel antisémitisme » soutenant la lutte des Palestiniens ; une effective islamophobie [8] au sens d’une interprétation « essentialiste » de l’islam, comme un tout imperméable aux idées progressistes, et porteur d’une « sh’aria » antagonique au droit commun - les attentats et le réseau Ben Laden étant le sommet de l’iceberg ; un « républicanisme » français de tradition jacobine et étatiste pesant dans toutes les familles politiques ; une déstabilisation majeure de ce « modèle » par le retournement de la croissance.

Mais la France est une variante d’un problème plus vaste. Les Trente Glorieuses avaient stabilisé divers « modèles » historiques d’Etat en Europe occidentale : des Pays-Bas à la France, de la Grande-Bretagne à l’Allemagne, tous les régimes en place ont voulu attirer les immigrés comme force de travail « de passage »... Tellement « de passage » qu’on les appelait « Gastarbeiter » (travailleurs ayant le statut d’ « hôte », invités) en Allemagne ; et qu’aux Pays-Bas, la préservation des liens avec les pays d’origine était privilégiée pour faciliter... le retour. En France, dans les années de la décolonisation, le retour au pays d’origine où demeuraient les familles restait une option dominante pour les travailleurs venus notamment du Maghreb...

Mais avec le retournement de la croissance, la politique d’immigration va changer. Elle est bloquée en France en 1974 sous Giscard d’Estaing. Le choix de s’installer et le regroupement familial prévalurent désormais, devenant la base principale de l’immigration. La France a connu un doublement de l’effectif musulman dans sa population en vingt ans (2,5 millions en 1983, environ 5 aujourd’hui). Alors même que les politiques néo-libérales désagrègent les politiques de cohésion sociale, les équilibres culturels antérieurs sont déstabilisés, les « modèles » d’Etat-nation, quelles qu’en soient les variantes historiques, entrent en crise, ce qui favorise la montée d’un « racisme à peine voilé » [9]. Les fantasmes sur « l’invasion musulmane » prolifèrent sur la base de ces transformations sociales réelles et d’analyses démographiques alarmistes [10] sur lesquelles surfe la politique sarkozienne – allant jusqu’à l’intolérable contrôle des filiations familiales par les test ADN.

« Sur ce terreau politique et social incertain, la plupart des pays de l’Union vont devoir gérer la coïncidence dans le temps de deux faits », analyse Robert Bistolfi [11] : « d’un côté la formulation par les élites musulmanes d’Europe de revendications politico-culturelles de plus en plus pressantes, de l’autre un terrorisme qui, s’alimentant aux nombreux dénis de justice dont souffre le monde arabo-musulman, a trouvé des relais chez quelques musulmans européens ». Les « demandes de reconnaissance » des musulmans partent « dans leur immense majorité d’une acceptation de la situation de minorité dans les pays dont ils acceptent les lois », précise R. Bistolfi. Jocelyne Cesari [12] analyse les diverses composantes de l’islam confrontées à une situation durable de minorité, aux Etats-Unis et en Europe. Elle souligne que « Tariq Ramadan rejette, pour sa part, l’idée d’une jurisprudence de la minorité ». Il « considère qu’à l’ère de la mondialisation, il n’est plus possible d’opposer un monde de l’islam à un ’autre’ monde quel qu’il soit (...). Consultation et liberté de pensée, qui sont à la base du fonctionnement démocratique, constituent [selon lui] deux principes islamiques qui ne peuvent justifier aucune théocratie ou despotisme ». Et il incite ce faisant les « Musulmans d’occident » [13] à s’emparer du contexte démocratique pour un « renouveau islamique » en fidélité avec les démarches internes à la tradition réformiste musulmane.

Face aux mythes d’un « occident judéo-chrétien » opposé à l’islam (qu’il faut combattre dans les mises à plat historiques indispensables), face aussi à la réalité des courants intégristes dans toutes les religions et à la crise des projets socialistes, le basculement « laïc » répressif exprime un profond pessimisme qui n’est ni justifié ni porteur de réponses adéquates aux dangers.

Ceux et celles d’entre nous qui voulaient se mobiliser en faveur d’une « Ecole pour toutes et tous » aux côtés des premières victimes de la loi de 2004, ont été confronté-e-s aux milieux athées refusant tout front avec des associations musulmanes, pire, avec des femmes voilées... Et rares ont été les organisations musulmanes recherchant l’action avec des athées. Il était pourtant important pour l’avenir qu’elles existent. Il s’est agi en pratique de la « mouvance » de Tariq Ramadan, qui s’était également tournée vers le mouvement altermondialiste, exigeant, justement qu’on cesse « de ’communautariser’ les musulmans, de prendre en bloc tous les courants de l‘islam », et « d‘ethniciser ou/et d‘islamiser la question de la fracture sociale en France ». [14]

Nos plate-formes et démarches de lutte nous ont rapproché-e-s de ces femmes et hommes musulmans qui luttaient contre l’interdiction du voile mais aussi contre le voile imposé, pour des droits civils et sociaux sur des bases égalitaires ; qui recherchaient la mixité (croyants et athées, non musulmans et musulmans, hommes et femmes, voilées ou non voilées) démocratique et de combat pour ces droits, refusaient le clientélisme des pouvoirs d’Etat français autant que les dépendances financières envers les pays d’origine... Leur affirmation comme « musulmans » sur le plan associatif, bien analysée par Abdellalli Hajjat [15] ou Yamin Makri [16]. recouvrait un « repli d’ouverture » pour se battre pour l’égalité réelle des droits, se différenciant des logiques « d’assimilation » ou de replis communautaristes d’autres courants musulmans.

Le « Manifeste pour un nouveau ’nous’ » lancé par Tariq Ramadan en septembre 2006 s’inscrivait dans cette même dynamique, confrontée de toutes part à de puissantes résistances. Des campagnes calomniatrices et islamophobes ont cherché (et réussi en partie) à diviser des fronts altermondialistes et anti-guerre potentiels, solidaires de la cause palestinienne et critique d’une mondialisation où s’inscrit aussi un « islam de marché ».

Théocratie et religion – des distinctions essentielles

Le contexte actuel devrait permettre un approfondissement des réflexions critiques sur les expériences accumulées et les arrogantes ignorances du présent.

Les courants qui se réclament du socialisme ont été et demeurent jusqu’à ce jour traversés de tendances contradictoires, notamment dans la façon de « traiter » la religion [17]. Certains ne retiennent de Marx que la formule « c’est l’opium du peuple », omettant... tout ce qui précède : « La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification [...]. La misère religieuse est d’une part l’expression de la misère réelle et d’autre part une protestation contre la misère réelle, le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, l’esprit d’un temps privé d’esprit » [18].

Certes, tous les athées qui se revendiquent d’un humanisme radical émancipateur, critiquent l’obscurantisme et tout ce qui, dans les religions, détourne des pleines responsabilités humaines, des objectifs égalitaires et démocratiques. Mais de telles approches peuvent se retrouver aussi... chez des croyants – notamment musulmans. Ceci impose des distinctions essentielles :

- entre pouvoirs cléricaux (Eglises et Etats théocratiques) que l’on combat parce qu’ils imposent de façon dictatoriale un ordre juridique et politico-social « de droit divin » - et croyants (faisant partie à part entière d’une société) qui sont eux-mêmes susceptibles d’adhérer dans leur grande masse à des procédures de choix démocratiques ;

- entre courants religieux qui tournent les croyants vers l’acceptation des ordres oppresseurs existant sur Terre (au nom d’un futur Paradis céleste) et que l’on combat comme tous ceux qui défendent de tels ordres – et ceux qui estiment au contraire que la fidélité à leur foi impose de résister sur Terre aux inégalités, à l’injustice en étant aux côtés des déshérités de ce monde ;

- entre courants religieux qui légitiment, au nom de leurs croyances, les discriminations de toutes sortes, notamment contre les femmes ; et ceux qui, au contraire, les combattent et mènent un travail d’analyse critique interne de ces pseudo-légitimations, au nom de leur foi ;

- entre courants religieux qui prônent le repli entre croyants en rejetant toute action et vie commune avec les non-croyants – et ceux qui, au contraire, estiment que la meilleure façon d’exprimer leur spiritualité religieuse (pour laquelle ils peuvent légitimement ressentir le besoin de lieux autonomes de réflexions et d’actions) est de s’insérer avec des non croyants dans la vie politique, sociale, institutionnelle ;

- entre courants religieux qui abordent les Textes sacrés de référence comme des bases « scientifiques » opposables aux sciences de la nature et sciences sociales, aux savoirs et expériences humaines – et ceux qui, au contraire, estiment que la fidélité aux Ecritures impose leur lecture non littérale, la pleine implication dans la recherche scientifique en adéquation avec ses méthodes, sans que cela les empêche de participer pleinement aux débats éthiques évolutifs et conflictuels qui concernent les retombées de la science dans les choix de société.

La « révolution sous le voile » [19] qui mobilise de plus en plus de femmes en Iran , le développement d’un féminisme musulman, élargissent la prise de conscience de complexes dynamiques à l’oeuvre [20]. Elles concernent bien des fronts nécessaires de lutte, du local au planétaire, notamment au Proche-Orient [21]. Leur avenir n’a rien de certain. Il ne s’agit pas de taire ce qui divise, ou simplement différencie. Mais de le découvrir en marchant et pas par des barrières d’ignorances réciproques. Cela dépend aussi de nous.

Catherine Samary, décembre 2007

Article à paraitre en espagnol dans le n° 96 de janvier-février de la revue Vento Sur en Espagne

Catherine Samary a été impliquée dès ses débuts dans le Collectif Une Ecole pour tou-te-s (CEPT), est membre du Collectif féministe pour l’Egalité (CFPE) et de Resisting Women (RW)

[1] Sur les débats dans la LCR cf. Rouge, notamment « sortir de la paralysie », le 6/1/2005 ; Critique Communiste n° 172, printemps 2004, Dossier sur le voile en débat ; et la revue Contretemps « A quels saints se vouer ? -espaces publics et religions », n°12, janvier 2005. Cf. également ma contribution « Au-delà du voile et de la laïcité- Bilan de trois ans de controverses », au séminaire « 100 ans après, la laïcité », organisé par la FTCR (Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives) en décembre 2005, sur le site www.resistingwomen.net.

[2] Françoise Lorcerie (sous la dir.), La politisation du voile, en France, en Europe et dans le monde arabe, L’Harmattan, 2005. Lire également Le foulard islamique en questions (recueil), Editions Amsterdam, 2004. Cf. aussi ma contribution à la filière féminisme et altermondialisme de l’université d’Attac de l’été 2005 que l’on trouve sur son site.

[3] Loi qui instaure la séparation de l’Eglise et de l’Etat – ou encore la « neutralité religieuse » de celui-ci.

[4] Cf. Laïcité, nous écrivons ton nom..., Hors série du mensuel Les idées en mouvement ; et le dossier « 1905-2005 : les enjeux de la laïcité » de la commission islam&laicité (Monde Diplomatique et Ligue des droits de l’homme -LdH), L’Harmattan

[5] R. Bistolfi, « Les musulmans dans l’Union européenne : des ’modèles’ d’accueil sous tension » sur le site www.islamlaicite.org

[6] Lire Nilufer Göle, Musulmanes et modernes – voile et civilisation en Turquie, La Découverte (2è éd. 2003).

[7] Lire l’analyse de la commission laïcité de la Ligue des droits de l’Homme -LdH-, mars 2005 http://www.ldh-france.org

[8] Lire Vincent Geiser, La nouvelle islamophobie, La Découverte, 2003 ; et Alain Gresh, L’islam, la République et le monde, Fayard 2004. Les intellectuels qui « semblent » les plus éclairés mais qui, « quand même » se revendiquent « musulmans », sont forcément porteurs d’un double langage – comme on le reproche à Tariq Ramadan.

[9] Cf. notamment l’interview de Saïd Bouamama sur le site « Les mots sont importants » (www.lmsi.net) à propos de son étude L’affaire du voile ou la production d’un racisme respectable.

[10] Cf. Louis Chagnon sur www.libertyvox.com/article.php ?id=178

[11] Cf. rapport cité en note 5. Lire aussi de Xavier Ternissien, La France des mosquées, Albin Michel, 2002 et Les Frères musulmans, Fayard, 2005, Collection Les dieux dans la cité.

[12] Jocelyne Cesari l’Islam à l’épreuve de l’Occident, La Découverte, 2004

[13] Tariq Ramadan, Les musulmans d’occident et l’avenir de l’islam, Sindbad, Actes Sud, 2003.

[14] Tribune de Tariq Ramadan dans Politis, 20 janvier 2005

[15] Abdellali Hajat, Immigration post coloniale et mémoire, L’Harmattan, 2005 ; cf. également l’interview de Fouad Imarraine dans le numéro cité de Contretemps.

[16] Yamin Makri, Du sens et de la cohérence http://oumma.com/article.php3 ?id_article=1544

[17] Cf. Contretemps (note 1) notamment les articles de Michael Lowy et Gilbert Achcar.

[18] « Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel », Marx-Engels, Sur la religion (1844), Ed. Sociales, 1968

[19] Cf. Fariba Adelkhah, La révolution sous le voile, Khartala, 2000, et la rubrique dédiée à la campagne « 1 million de signatures » sur le site www.resistingwomen.net

[20] Cf. www.newsocialist.org/index.php ?id=1465 ; voir également le blog http://cfpe.over-blog.org du Collectif des féministes pour l’égalité.

[21] les différenciations et rapprochement entre gauche et courants islamiques, notamment au Liban, lire les articles de Nicolas Qualander sur le site d’Europe solidaire et sans frontières www.europe-solidaire.org


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